mardi 24 avril 2007

le tourbillon

Deux jours, c'est ce qu'il faut laisser passer pour parler de l'élection, sans que le coeur suplante la raison. Depuis dimanche, enfin je crois que l'élection eût lieu dimanche, peut-être fût-elle déjà jouer à cause du torrent de sondages qui submergea nos pauvres entendements, mon entourage, et je suppose celui de chacun, vit sous le licol détestable du pronostic. Tout est soumis au sondage, aux termes dogmatiques qui s'imposent; la victoire d'untel, la défaite de l'autre.
Ce soir je dois aller au restaurant; mais peut-être y serai-je seul? mes amis ayant à coup de pourcentages incertains conjecturés sur la possibilité de la présence de policiers de droite sur le bords des routes désabusés par le faible score de la LCR. Ou bien faut-il conjecturer sur la défection du cuisinier, reclus dans sa chambre les valises fermées; celui-ci serait déjà partant en cas de victoire de l'Autre, même s'il est français; les élections créent la tourmente dans les esprits. Tout le monde parle d'alliance aussi, de quelles alliances? entre quelles formations? des gens pleurent toujours, Maurice a peur, il veut émigrer en Espagne et ouvrir un restaurant de spécialités françaises. Les sensations ultimes finissent par s'égarer, l'on ne peut plus rien concevoir, il faut l'admettre. Au détour des sentiers intellectuels, le choix somnole, l'on peut rester au carrefour, s'asseoir et pleurer. Le piège, c'est de se fourvoyer, et d'avoir en regret cet écart mal maîtrisé.
Donc au bout de ces deux jours, les conversations changent, mais l'on cherche toujours qui sera là ce soir, au bar, le Milan vieux défie le fougueux Manchester. Toutefois dans deux semaines la folie va revenir, le tourbillon, et l'attente extatique vont refluer, Internet va saturer il faudra attendre vingt-heures comme d'habitude. Et pendant ce temps, qui va fuir trop vite, les dogmatiques expliqueront de manière si simple, ou simplistes, la victoire de l'Autre, la défaite d'Untel. Moi, dans la plus pure tradition sceptique (acception philosophique) je laisse mes réflexions en suspend. Et puis le vainqueur sera aussi le perdant puisque l'union de forces antagonistes hier sera nécessaire à toute victoire demain. La situation suppose un flux ininterrompu de contradictions intempestives qui s'imposent dans la vie des français, entendez la masse, ceux qui ne comprennent pas mais qui élisent. Alors j'extrapole. Le six mai au soir, nous serions là, collé, perclus, autant que nous pourrions l'être, dans la limite de nos corps cela veut dire. A moins que tous ensemble nous nous mettions à fusionner, qu'il ne reste sur le canapé vieilli qu'une flaque visqueuse et essentielle, nous deviendrons une lotion pour cheveux ou autre chose dans le genre. Allons nous nous métamorphoser, une élection prétend à la transformation; alors en cafards, non, cela est déjà fait. En vers, non, aucune amitié pour Chirac, déjà classé comme ver par les Anglais. Les insectes ont toutes dominations, c'est qu'ils écoeurent, toutefois pour m'humilier, il faudrait que je devienne un chien.
Oublions les extrapolations!
Au travail également les visages se scrutent, les regards en coin des yeux inquisiteurs se figent sur la fausse innocence de celui qui votât à l'extrême. Céline, aux longs cheveux ambrés, me déconsidère depuis que j'ai les mêmes symptômes du candidat aux prouesses convulsives de son cou. j'ai mal au mien. L'on me dévisage, comme ça, comme un misérable, celui qui sait trompé de papier, et qui même n'a pas rejoint l'isoloir. Céline me fuit, je fond tel une neige assassinée par le soleil de ses yeux. Je ne sais plus quoi dire, rien qu'un filer de bave noirci sort de ma bouche, je deviens escargot. je suis un faible, faut que je vous le dise, je n'ai pas l'âme d'un chef, je rampe toujours. Même aux pieds de Céline. l'élection a accélérée ma mutation, est-ce génétique? Dans les années qui viennent va falloir faire un choix. Opportuniste, je vire déterministe, moi qui me suis battu contre la prédestination de la vie. j'ai même affirmé que si une prédestination était réelle, chaque homme en prison subissait une humiliante erreur. Céline ne croit pas aux déterminismes, mais va falloir assumer pour au moins dix ans ce genre d'inepties, l'on pourra toujours dire qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Je deviens limace donc, aux pieds de Céline je m'isole, son regard ensoleillé comme l'azur de nos terres du sud est glacial sur ma personne, sur mon être. je laisse des traces où je passe, je conjecture, rien de vient, tout est soumis à la confrontation, au silence de l'esprit, la quiétude n'est pas mon avenir. Me restera à manger dans une écuelle et à devenir non-conformiste. Je ne sais plus, je me perd, l'élection est comme un tourbillon, chacun ignore ses repères, c'est une défection idéologique.
L'ordinaire devient comme insoutenable, et nul ne peut, sinon avec violence, se résoudre au choix des urnes. Et je suis comme chacun noyé de cette manière si atroce, je pourrais tenter de m'en sortir, mais la faiblesse qui met inhérente me laisse aphasique de corps. Sans faire le moindre mouvement, j'accepte la défaite, je vous l'ai dit, je suis un faible. Et nul ne criera grâce pour mon corps, mon esprit lui, lessivé par les contradictions étouffantes, n'est déjà qu'un chiffon s'alanguissant au grès du vent. Éperdu, je divague, Céline, n'est plus un horizon, mais le souvenir terrifiant d'un monde éteint depuis dimanche. Depuis ce jour. Depuis dimanche, je suis dans un mauvais état, je sens que je m'effrite, et mon autour n'a plus d'allure. j'ai tant chuté que l'abîme me semble sans fin. L'élection prétend à la transformation, je me répète, mais elle suppose à la destruction de l'être, à lui extirper toutes convictions, toutes hiérarchies crédibles. Je devine déjà que je m'en relèverai pas. La présidentielle est un rêve d'idéalistes qui osent prétende avec outrecuidance qu'elle peut générer un nouveau monde, moi ce que je dis c'est qu'elle impose le chaos, dans l'être, écrasé par l'humiliation d'un moment trop temporel.